ANDRÉ SERRE MILAN
Ombres portées

« Au fond, à y bien réfléchir, la question posée est celle du temps.
Dans quel temps nous plaçons-nous ?
Dans quel temps, la valeur des choses et des mots ?
Le temps : le seul sujet. »

Yasmina Reza, in  Hammerklavier.

Ombres portées
Quel est le corps de l’ombre entrevue ?
La forme, le contenu ou l’instant ?
Perceptions qui s’entrechoquent, se déchirent, se complètent, s’évitent
Mise  en abîme d’une représentation, d’une écriture, d’un contenu,
Une image sur le temps, sa position, sa non-linéarité,
… Et le refus d’une attitude qui tendrait aux œillères et à l’aveuglement.

Des échelles de perception mises en abîme. Un jeu d’ombres sur le temps par un vocabulaire ondulant sur une histoire, gestuelles confrontées et projetées dans un futur conditionnel. Images portées par une forme de représentation, structure née de l’intégration d’une technologie. Alliée à la présence des musiciens, elle permet trois échelles consécutives de représentation d’un matériau commun. Les trois mouvements sont enchaînés et tuilés les uns aux autres. Premier mouvement : quatuor acoustique dans une configuration centrale : un « plan rapproché ». Le quatuor seul, acoustique, donne la dimension temporelle à échelle humaine de la partition écrite. Second mouvement: électroacoustique seule : l’objectif recule à l’image d’un “plan lointain” . Une forme liée à la notion traditionnelle de « pièce pour bande », spatialisée. Les éléments écrits et enregistrés à l’échelle du quatuor ou solo instrumental font partie d’un ensemble renouvelé, à la densité  à priori illimitée, si ce n’est par l’intelligibilité de ses éléments. Interviennent les notions d’espace, vitesses, gestes, chorégraphies de déplacements sonores. Troisième mouvement: quatuor éclaté dans l’espace, chaque musicien isolé dans un caisson insonorisé est perçu par sa sonorisation et spatialisation :  L’objectif se rapproche de l’instrument jusqu’à pénétrer à l’intérieur de la caisse de résonance, à l’image d’une micro caméra capable de capter les différents types de mode vibratoire des instruments, « inaudibles à l’oreille nue ». Le résultat de cet ensemble est une simulation d’écoute ”acousmatique” (sans visualisation de la source sonore) donnée au public, mais en conservant l’énergie et l’interprétation du en concert. Cette mise en situation permet à la fois un détournement radical du timbre, un dialogue et une mise en relation d’instruments exclusivement à travers leur rendu électrique.   Chaque instrument est sonorisé par 4 microphones : 1. de proximité (son traditionnel de studio) – 2. sur l’archet – 3. sur le fond de la caisse – 4. proche du chevalet. Ces seize microphones sont spatialisés indépendamment, et permettent d’entendre un seul et même instrument éclaté aux quatre coins de la salle avec des variations radicales de timbre, allant du « bruiteux » (archet) à l’harmonicité « pure » (le fond, arrière de la caisse). Ombres portées, un univers musical considéré dans sa continuité et éphémérité, en perpétuelle mutation et réponse à l’ensemble. Une structure sans corps figé dans laquelle chaque élément est à la fois question et réponse par sa couleur harmonique, mode de jeu, dynamique, répartition dans le spectre ou l’espace, densité et caractère, incluant des oppositions vives et des ruptures comme une nécessité.

André Serre-Milan


Ombres portées
60’ – 2004

Pièce mixte pour quatuor à cordes et dispositif électronique
Commande Etat/GMEM

INSTRUMENTARIUM
2 Violons
Alto
Violoncelle
Dispositif informatique

INTERPRÈTES
QUATUOR AYIN, quatuor à cordes
AURIER FRÉDÉRIC, violon
JÉRÔME SIOT, violon
LUC DEDREUIL MONET, violoncelle
JULIAN BOUTIN, alto et violon

ARTISTES ASSOCIÉS
LAURENT POTTIER, informatique musicale


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ANDREA LIBEROVICI