EDITO

Regarder une carte et embrasser un territoire - les bords sont les coupures
Le hasard de la découpe
La représentation - la métaphore
L’échelle
Les chemins sillonnent les cartes

Une carte est une métaphore à l’échelle. Elle dessine les frontières, lignes de séparation entre les espaces nommés, les chemins et les routes, lignes de traversées des figures géométriques.
Elle suppose aussi les voies possibles entre les points, l’accessibilité. D’une ville à l’autre, d’un pré à la route, les trajets se mentalisent et se mémorisent.

La représentation du temps est alors instantanée, ou presque.
La carte nous dessine la ligne d’Avignon à Florence, en un éclair.

La carte est déjà fausse par l’épaisseur de ses traits trop larges.
Elle dénie le temps des parcours. Il n’y a pas de temps représenté sur la carte géographique. La carte du temps est la partition.

La musique serait-elle une échelle du temps ? Invoquerait-elle une totalité de l’histoire ?

Je confierai volontiers cette question à Pascal Quignard qui situe la musique aux tréfonds de la mémoire, premières traces du son, avant le langage, mémoire avant la mémoire, mémoire oubliée qui fait trace malgré tout.

«Il y a un temps tellement inconnu au fond de nous qu’il est intrahissable.» («Sur le Jadis» de Pascal Quignard- chap. 84 - Extase)

C’est peut-être pour cela que la musique met en transe, met au pas, induit la danse, convoque les larmes ou la colère, implique l’ennui le plus mortel ou la joie la plus intense. Car elle touche à une mémoire que l’on ne connaît pas, dont on ne se souvient pas, mais qui est là, tapie.
Alors pour la découvrir, il nous faut prendre des chemins inconnus et piocher la terre.

C’est peut-être la première mission d’un festival : conduire. Conduire de Georges Boeuf au quatuor Béla, de Camargo à la Criée, du symphonique au cymbalum, de la contrebasse au froissement du vent, de la mémoire à la mer.

Je n’aime pas cette musique de mémoire, mais je l’aime d’oubli.